C’est au bout d’une route sinueuse serpentant dans les vallées serbes
entre reliefs verdoyants qu’il faut aller chercher ce voyage d’un autre temps :
le petit train de Sargan, le grand huit de nos aïeuls.
Plus près du ciel
Après la traversée rapide des plaines du nord de la Serbie où champs de maïs et villes sans charme se partagent le paysage, nous gagnons les premières hauteurs du pays à proximité de la Bosnie.
Il y a dans ces montagnes de moyenne altitude les vestiges d’une ancienne voie ferrée qui reliait Belgrade à Sarajevo entre les années 20 et les années 70.
L’une de ses plus intéressantes portions est appelée le 8 de Sargan, en raison de son tracé en forme de 8 qui permettait de franchir l’important dénivelé du secteur sans avoir à réaliser un gigantesque tunnel.
Ce tronçon entre Mokra Gora et Sargan, rénové au début des années 2000, a servi de cadre au film « La vie est un miracle » de Emir Kusturica, le célèbre réalisateur serbe. Il est devenu aujourd’hui un pôle touristique important de la Serbie.
Trouver sa place
Mais trouver une place dans l’un des wagons du petit train qui emmène les voyageurs pendant 2 heures et une trentaine de kilomètres à flanc de montagne n’est pas une mince affaire. Surtout que la réservation sur place ou en ligne n’existe pas encore ici et que la priorité est donnée aux groupes.
Pour espérer un billet, il faut se présenter au guichet du quai une heure avant le départ choisi (il y en a trois en été) et prier pour que les bus et leur flot de visiteurs n’aient pas retenu le même horaire.
Aux départs de 10h30 et 13h00, nous faisons chou-blanc, Il n’y a plus de sièges disponibles.
– « Il reste juste quelques places debout » annonce une matrone mal lunée derrière son guichet.
– Au même prix ?
– Oui, au même prix
– Ok, on fera avec
– Alors c’est 2400 dinars en espèces monsieur (soit environ 10€ par personne)
– Très bien, en voilà 3000
– Non, il me faut la somme exacte, je n’ai pas la monnaie
– Mais je n’ai que cela !
– Alors tant pis, reprenez votre argent et repassez plus tard quand j’aurai de la monnaie. Suivant…
– ( Grrrr ! ) «
Un peu dépités, nous revoyons nos priorités et décidons d’aller plutôt visiter le village en bois de Küstendorf, perché plus haut à quelques centaines de mètres de là.
Vers 15h, nous repassons à la gare avec la somme exacte demandée en poche (pas complètement fous non plus les corréziens), au cas où.
L’adorable guichetière annonce qu’il reste cette fois-ci des places assises pour le dernier départ à 16h.
Super, nous allons pouvoir faire notre petit tour de train.
Tchou ! Tchou !
Une fois dans un des wagons, nous piaffons d’impatience tout en profitant de l’attente des derniers voyageurs pour faire des photos. Nous nous sentons (probablement comme les autres usagers) un peu hors du temps ici.
L’intérieur des voitures et leur décoration en sont la raison : locomotive au look rétro, sièges en bois, vitres larges et horizontales qui s’ouvrent avec un loquet à l’ancienne, poêle à bois dans l’un des wagons… la machine à remonter le temps fait son petit effet. Au point que l’habillement des passagers, leurs smartphones ou les coiffures de certains en deviennent presque surprenants. Sommes-nous toujours en 2023 ?
Attention départ
Le départ est maintenant imminent, chacun a ouvert les vitres de manière à pouvoir contempler le paysage, mettre sa tête dehors, et sentir avec jubilation l’air glisser sur ses mains ou dans ses cheveux (pour ceux qui en ont encore en tout cas…).
Comme on ne voit pas grand-chose assis, nous faisons comme la plupart des voyageurs : on se met rapidement debout (ne refusez donc surtout pas un billet en place debout s’il ne reste que ça, c’est aussi bien qu’assis, voire mieux).
Plaisir du rail
Le parcours se fait pour moitié dans des tunnels creusés dans la roche (une bonne vingtaine), et pour l’autre moitié entre des rideaux d’arbres ou de rochers qui font le plus souvent écran à la contemplation du paysage.
Heureusement, çà n’enlève rien au plaisir des petits et grands d’être dans un train à l’ancienne, de ressentir les éléments environnants de façon intense et de se laisser aller à l’insouciance du temps présent (un luxe dans nos sociétés si trépidantes).
Question de point de vue
Par contre, pour celui ou celle qui a surtout envie de voir du paysage, d’être surpris par celui-ci, de savourer de belles vues sur les montagnes serbes tout le long de ces kilomètres, il ou elle risque de rester un peu sur sa faim.
Pour le nourrir un peu, le train s’arrête toutefois à trois points de vue au retour.
De belles ouvertures lointaines vers les vallées ou les forêts lointaines mais pas plus. Pour ceux qui connaissent déjà les petits trains des Alpes ou des Pyrénées, cela risque de leur paraître un peu fadasse. Surtout qu’ici, il n’y pas un lac ou un glacier en cadeau à l’arrivée. C’est la gare de Sargan et c’est tout.
Un agréable moment de détente
Reconnaissons quand même que pour ceux qui veulent passer un bon moment en famille ou tout simplement qui ne peuvent pas s’offrir beaucoup mieux, ce petit train est parfait.
Il est accessible à tout le monde, les passages dans les tunnels régalent les enfants (c’est le noir complet pendant plusieurs minutes parfois) et les bars-restaurants des quelques gares qui jalonnent le parcours permettent d’étancher la soif ou d’assouvir la faim de tous les voyageurs en cas de besoin.
Envie de vous y rendre ? C’est par là que ça se passe :
(Ce petit tour en train à Sargan s’est fait en août 2023)
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