Il existe un lieu magique, un lieu étonnant, un lieu d’une beauté rare : la source de Kupa.
Ce n’est pas le seul au monde bien sûr, mais lui, contrairement à bien d’autres, nous l’avons rencontré.
Il n’est pas qu’un simple rêve ou une belle carte postale accrochée au mur des envies jamais assouvies.
Lui nous l’avons approché, touché, goûté au plus profond de nous, lui nous l’avons aimé.
Un coup de foudre qui vit quelque part en Croatie, et que nous avons bien failli ne pas connaître.
On vous dit tout…
Une pépite d’or bleu
L’or d’aujourd’hui n’est plus l’or d’hier. Les orpailleurs d’autrefois cherchaient leurs perles rares dans les cours d’eau, de nos jours c’est l’eau qui devient la perle rare. Et cette eau là, celle qui sort de terre à la source de Kupa, quand on l’a sous les yeux, avec son bleu saisissant, sa pureté, toute cette vie pleine de joie et de fraîcheur qui s’en va à l’aventure, on ne veut surtout pas imaginer la voir disparaitre un jour.
Pays : Croatie (Primorje-Gorski-Kotar)
Commune : Gerovski Kraj
Parking : Deux aires de stationnement
possibles au nord et au sud (gratuites)
Coordonnées GPS :
P1 – 45.48170, 14.70026
P2 – 45.50733, 14.70010
C’est par où qu’on va ?
La Kupa est une rivière de 300km de longueur qui pour l’essentiel de son parcours suit la frontière croato-slovène en direction de l’est.
Sa source se situe dans le parc national croate de Risjnak, à une trentaine de kilomètre au nord-est de la ville côtière de Rijeka. D’une largeur de 50m environ et de forme sensiblement ovale, c’est à 321m d’altitude dans le massif de Gorski Kotar (la région la plus montagneuse du pays) que cette résurgence karstique commence sa descente jusqu’à sa confluence avec la Save.
L’eau (7° en moyenne) sort de terre avec un débit de 1200l/s par l’intermédiaire de deux canaux verticaux, l’un de 60m de profondeur, l’autre de 150m environ. Mais cette source sait y faire. Dévoiler trop vite tout son mystère n’est pas son truc. Au point qu’aujourd’hui on s’interroge encore sur sa profondeur réelle, à défaut d’avoir réussi à la mesurer jusqu’à son extrémité.
Pour accéder aux zones de stationnement les plus proches du site (parkings P1 et P2 en agrandissant la carte ci-dessus), deux solutions : soit par le sud (la plus facile et la plus proche), soit par le nord (la plus aventureuse et la plus longue), mais dans tous les cas par des petites routes à l’ambiance forestière, étroites et sinueuses.
Demandez le programme
La veille, il avait plu presque toute la journée. Nous avions évité de peu les premières grosses averses en terminant notre randonnée au mont Risjnak juste avant leur arrivée. La Croatie n’échappe pas non plus aux gouttes, même au mois de juillet. Tant pis pour les touristes et tant mieux pour la terre, ça ne peut que lui faire du bien.
Nous savions qu’une rivière de belle réputation se trouvait non loin du lieu où nous dormions, et qu’une petite demi-heure de marche suffisait pour l’atteindre depuis le parking le plus proche de sa source. En y allant tôt, nous espérions la découvrir sous une jolie lumière, même si les prévisions météo pour le lendemain étaient plutôt indécises.
Le programme était arrêté, le repas était terminé, les dents lavées, il n’y avait plus qu’à s’endormir du sommeil du juste pour redémarrer en pleine forme demain.
Les tourments du réveil
La nuit passe, et à l’heure prévue le réveil sonne. Un coup d’oeil rapide à l’extérieur confirme l’hésitation annoncée du temps : « nuages gris ou rayons de soleil ? Pluie ou ciel bleu ? Qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur envoyer aujourd’hui à ces terriens… » Le chef est indécis, il balance le pour et le contre, il a envoyé pas mal de sauce hier, est-ce qu’il doit continuer à nous arroser copieusement aujourd’hui ? Et nous derrière, bien au chaud sous la couette, on tergiverse aussi.
Une petite voix que l’on connaît bien arrive alors. Sensuelle à souhait, elle vient nous souffler au creux de l’oreille : « Et si on restait plutôt au lit, tranquilles, à profiter de l’instant présent… En plus, il doit faire froid et humide dehors. Oh allez, ce n’est pas un drame de ne pas sortir pour une fois ! Carpe diem nom d’une pipe ! » Quelle tentatrice celle-là, j’te jure. Si tu l’écoutes, tu ne fais rien de tes journées. Mais voilà, elle existe, elle est terriblement attirante, et ce n’est pas toujours facile de la repousser. Surtout quand elle vous rejoint dans un lit.
Heureusement ce matin-là, une autre voix se présente à son tour. On la connaît bien aussi celle-là. Pas du tout le même genre que la première. Le ton est beaucoup plus ferme, plus autoritaire. C’est un peu comme si le général De Gaulle succédait à Fanny Ardant ou à Gérard Darmon. Ca fait un choc. Là d’un coup, tu as moins envie de rester au lit. Elle nous sermonne : « Et si vous ratiez quelque chose d’important, que de regrets vous auriez ! Et puis, ce n’est pas si loin cette balade. Vous êtes venus pour ça après tout ! C’est ça faire de la photo, non, c’est ça le voyage ? Oh et puis, arrêtez un peu de faire vos flemmards ! Allez hop, debout »
Il en faut peu pour être heureux
Comme nous ne sommes pas du genre à badiner avec la discipline, nous obtempérons rapidement, et une demi-heure plus tard arrivons sur les lieux. Un grand parking nous accueille, il n’y a pas un chat, et la météo n’a toujours pas fait son choix.
Peu importe, la décision est prise. Appareils photos en bandoulière, sac à dos sur… le dos et les yeux encore lourds de fatigue, nous entamons notre marche matinale entre ombre et lumière.
Le chemin forestier que nous empruntons est humide et plutôt raide, et nous glissons plusieurs fois dans la descente sur des racines mouillées qui affleurent à sa surface. Peu en forme, nous restons vigilants et guère réceptifs en fin de compte à ce qui nous entoure. La général de Gaulle on l’aime bien, mais la marche forcée ce n’est pas vraiment notre truc.
Puis soudain, là, comme ça, sorti de nulle part, un miracle, un premier cadeau pour nous secouer un peu : un renard tout proche crie à travers bois. Pile ce qu’il nous fallait ! A peine entendu, aussitôt réveillés, aussitôt en joie. Nous qui aimons tant la nature, nous voilà enfin contents d’être là, heureux d’avoir vécu ce bel instant, aussi fugace soit-il. Tout nous semble agréable maintenant, joli, appréciable. Même les racines-savonnettes nous paraissent moins pénibles. Pfff… quels Baloo ces deux-là. Et dire qu’ils ont failli ne pas venir…
Nous oublions alors le froid, l’humidité, la fatigue, le sol glissant. Nous chuchotons comme deux gamins qui jouent à cache-cache, espérant à nouveau entendre le renard, ou mieux encore : le voir ! Mais non, c’est de nouveau le silence total qui vient remplir l’espace dans la fraîcheur de la forêt, à l’heure où le soleil commence enfin à s’affirmer un peu entre les feuillages.
Coup de foudre
Et puis… et puis, le sentier en termine avec sa descente, un petit vallon l’accompagne un court moment, et nous arrivons enfin en terre promise. Et là…
Une brume divine au dessus d’une eau turquoise, un murmure qui glisse sur un lit de cailloux, un rayon de soleil qui vient éclairer la rivière, des parois rocheuses altières pour encadrer l’ensemble, des oiseaux qui chantent dans les frondaisons, un endroit enchanteur au milieu de la forêt, un moment absolument magique.
Il est encore tôt, nous sommes seuls au monde, et c’est tant mieux. L’instant n’appartient qu’à nous, rien ne peut venir troubler l’harmonie des lieux. On goûte chaque seconde qui passe comme si c’était la dernière, on en prend plein les yeux, émerveillés par cet écrin de nature parfaite. Un immense cadeau vient encore de nous être offert, le deuxième de la matinée. Veinards…
Puis les premières émotions passées, les sens remplis de toute cette beauté, nous photographions la scène pour emporter un peu de ce spectacle avec nous. Sans un mot, avec respect et discrétion, tout en continuant à savourer ce moment rare.
Ce matin-là, nous avons oublié toute notre fatigue, toutes nos peurs, tous nos petits soucis, tout ce qui peut être pesant dans un quotidien. Devant l’éclat de cette vie si présente et si pure, nous avons lâché nos contrôles, nous nous sommes abandonnés à elle. Avons-nous un autre choix quand on vous offre autant ?
Pour prolonger le plaisir
Le sentier que nous avons emprunté pour descendre jusqu’à la source fait partie de plusieurs boucles de randonnée. Nous avons parcouru l’une d’entre elles pendant quelques kilomètres.
L’endroit est tellement à part, tellement féerique et captivant, que nous avons eu besoin de suivre le cours de cette rivière un moment, incapables de la quitter trop vite et subjugués par la couleur de son eau. Il est difficile d’exprimer par les mots ce que nous avons ressenti sur les lieux tout au long de cette matinée. Les images prises le long de notre parcours vous aideront peut-être à mieux comprendre la fascination que provoque cet endroit, à deviner combien la source de Kupa et ses premiers pas dans la vallée sont un trésor de nature. Une vallée surnommée d’ailleurs très joliment « la merveilleuse vallée aux papillons », puisqu’elle abrite pas moins de 500 espèces de lépidoptères différents (soit environ 60 % de ce que la Croatie compte au total).
Espérons que cette pépite naturelle croate ne soit jamais salie, détériorée par un tourisme trop irrespectueux ou trop important. Elle semble pour le moment plutôt préservée, grâce à la vigilance et aux efforts du parc national de Risjnak notamment. Qu’il en soit ainsi pour toujours…
INFORMATIONS PRATIQUES
VENIR EN SAC A DOS :
Pas facile d’arriver en sac à dos jusqu’à la source de Kupa.
L’option la plus simple est de rallier Delnice depuis Zagreb ou Rejika en train ou en bus.
A la gare routière de Delnice, prendre la ligne de bus en direction de la ville frontière de Prezid au nord.
Deux voyages par jour sont assurés en semaine du lundi au vendredi (départs 12h00 et 16h40). Les billets peuvent être réservés ici.
Autre option pour le même trajet : le stop par la RD 32 à la sortie de Delnice. Plus aléatoire, mais souvent riche en rencontre.
Au lieu-dit « Malo Selo », descendre du bus ou de la voiture au niveau d’une petite route qui part sur la droite dans la forêt. L’indication « Izvor Kupe » (« source de la Kupa ») sur un panneau vous confirme que vous êtes au bon endroit.
De là, 8 bons kilomètres de jolie route forestière vous attendent pour arriver au parking et au départ du chemin qui descend vers la source (Au hameau de Razloge). A faire à pied si vous adorez ça, ou en stop si vous êtes moins téméraire. Mais attention, la circulation est quasiment inexistante ici et rien ne vous assure que le rare croate qui passera par là s’arrêtera.
DORMIR / MANGER / BOIRE :
Le village de Razloge où se situe le départ du sentier est un hameau de quelques maisons dénué de tout commerce.
Toutes les commodités (restauration, hébergements, commerces…) sont principalement à Delnice.
Pour ceux qui voudraient éventuellement se rapprocher un peu plus du site, il existe toutefois des offres d’hébergements de particuliers le long de la RD32.
Pour les campeurs, la possibilité de campement la plus proche est le Zlatko camping (GPS : 45.36054, 14,72281) à 25km au sud de Razloge.
RANDONNER :
Trois boucles de randonnée passent par la source de Kupa, accessibles au plus grand nombre. Se renseigner auprès Parc national de Risjnak pour en connaitre les caractéristiques.
STATIONNEMENT :
Deux possibilités de stationnement pour accéder à la source de Kupa :
– soit au sud (solution de loin la plus utilisée), par l’intermédiaire d’un grand parking gratuit situé à l’entrée sud du village de Razloge. L’endroit est calme et propose divers aménagements (toilettes, tables, bancs).
– soit au nord où quelques places de stationnement existent à l’extrémité d’une petite route qui s’arrête à proximité de la Kupa. Cette option est toutefois fortement déconseillée, la route d’accès étant très étroite et en mauvais état, et la zone de stationnement très réduite. Il faut d’autre part faire un grand détour par le nord pour rejoindre ce parking (en passant par Gerovo et Hrib), ce qui rajoute 14km de route inutiles.
DIVERS :
Cette source et le sentier qui y conduit sont situés dans le Parc national de Risjnak.
Outre le règlement du parc qu’il est donc nécessaire de respecter, l’accès au site est payant (Tarifs entre le 1er mai et le 1er septembre : Adulte : 7€ – Etudiant/Retraité : 5€ – Enfant de moins de 7ans : gratuit).
Deux gardiens, un dans une guérite au départ du sentier côté sud et un autre dans une maison appartenant au parc côté nord, s’assurent en saison de ce paiement. Ils sont aussi bien sûr entièrement disposés à vous donner toutes les informations nécessaires concernant les sites les plus intéressants du parc.
(Cette visite de la source de Kupa s’est faite en juillet 2022)
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