En Corrèze, dans un paysage bucolique et reposant,
François-Xavier Barbieux file la laine d’alpaga, la « fibre des Dieux ».
Une filature unique en son genre en France, à la recherche de l’excellence.
Ce n’est pas le Pérou, mais ça y ressemble
Régulièrement, nous avons besoin de notre dose d’être humain, de rencontre. Il faut qu’on se shoote à la belle humanité des gens. Et tout particulièrement à celle des créateurs, à ces façonneurs de talent qui donnent toutes leurs lettres de noblesse au mot «artisan ».
Alors nous fouillons dans notre sac magique de pèlerin et nous en sortons un nom, un lieu, un métier.
Pour ce nouvel « épisode », le papier tiré de notre besace avait un parfum d’ailleurs. La Cordillère des Andes nous invitait au beau milieu d’une vallée limousine, en pays corrézien. La proposition était trop alléchante, impossible de la refuser.
Après Aurore Puifferrat, peintre pastelliste, nous vous emmenons aujourd’hui en reportage chez François-Xavier Barbieux, éleveur et fileur de laine d’alpaga, au coeur de la Xaintrie noire.
Sommaire
- Quand un rêve d’enfant revient pointer le bout de son museau
• Un rêve mis de côté
• L’amour, le meilleur des GPS
• Poursuivre malgré tout
• La Panèterie, le lieu idéal - L’alpaga, un animal atypique
• Dans la famille Camélidé, je demande l’alpaga
• Elever un alpaga, c’est un métier
• Le quotidien de l’éleveur - Les 12 travaux de François-Xavier
- Une entreprise à faire tourner
• Le financement du projet
• Un équilibre comptable à trouver
• Communiquer pour mieux exister
• Les objectifs à court terme - Si vous passez dans le coin
- Pour le contacter et le rencontrer…
Quand un rêve d’enfant
revient pointer le bout de son museau
Un rêve mis de côté
François-Xavier est issu d’une fratrie de quatre enfants, originaire de Bruxelles en Belgique. Quand l’éternelle question : « Et toi, que veux-tu faire quand tu seras grand ? » s’est présentée, il trouva rapidement une réponse à lui donner : fileur de laine.
« Oui… mais non », lui répondent ses parents. Dommage.
François-Xavier va donc changer son fusil d’épaule : il sera architecte. Spécialisé dans les théâtres et les opéras du 19ème siècle, il exercera son métier de créateur pendant 20 ans. Une profession dans laquelle il s’investit entièrement et qu’il apprend à aimer. Il garde même dans un coin de sa maison son ancien bureau d’architecte, acheté à l’époque chez Emmaüs. Un objet important de son passé auquel il tient particulièrement : « Je ne m’en séparerai pas ». C’est dit.
L’amour, le meilleur des GPS
Une situation professionnelle confortable qui aurait pu se poursuivre encore longtemps, Mais la vie ne l’entendait pas tout à fait de cette oreille. Pendant que l’architecte avançait sur son chemin, elle déposait ses petits cailloux derrière lui pour l’aider à retrouver un jour ses rêves d’enfant. Car un rêve demande toujours à être vécu.
C’est ainsi qu’en 2012, François-Xavier rencontre Vincent, également architecte (paysagiste), dont il tombe amoureux. Et quand son compagnon lui fait découvrir la Corrèze qu’il connaît depuis 25 ans, des odeurs et des paysages de son enfance remontent à la surface. Le souvenir des étés bucoliques passés dans la ferme d’une cousine réveille la flamme. Les petits cailloux vont faire le reste.
François-Xavier évoque à Vincent son rêve de filer la laine de mouton. « Banco » lui répond-il. L’un et l’autre ressentent le besoin de passer à autre chose, la vie à la campagne les attire, c’est le moment ou jamais. Mais mieux que le mouton, ils parient plutôt sur la laine d’alpaga et décident de monter une filature dédiée uniquement à l’animal, la première en France. D’autres existent déjà, mais elles transforment différentes laines d’animaux (dont l’alpaga) et ne peuvent pas espérer un même niveau de qualité.
L’aventure peut alors commencer.
Poursuivre malgré tout
Par l’apprentissage d’abord. Le couple a tout à découvrir sur le sujet et c’est la filature belge des « Alpagas du maquis » qui vont les y aider, complétée par des visites de filatures étrangères et par un livre dédié au sujet : « Les alpagas, les lamas, les connaître, les élever » (Christiane et Bernard Giudicelli).
Tout un savoir à intégrer, tout un animal à comprendre et à apprivoiser.
Le projet avance, mais malheureusement Vincent décède subitement en octobre 2018. Une dure épreuve pour François-Xavier qui envisage de tout arrêter dans un premier temps, avant de se raviser. Il continuera seul, avec la volonté de porter ce projet jusqu’au bout, symbolisé par un « Je poursuivrai » accolé au logo de la filature.
Vincent n’est plus là physiquement mais, à travers cet engagement et dans l’esprit de son compagnon, il restera présent.
La Panèterie, le lieu idéal
Un peu plus de 6 hectares, une belle grange à deux niveaux (l’étage pour l’entreprise, le rez de chaussée semi-enterré pour l’élevage), deux maisons anciennes dominant un vallon plein de charme entouré de bois, voilà le lieu que les alpagas arpentent et broutent au quotidien depuis leur arrivée en 2017.
Situé sur la commune de Goulles, en pleine campagne, l’endroit est particulièrement apaisant.
Acheté en 2015, il a fallu plusieurs années de travaux, de ténacité et de courage au couple pour rendre le site partiellement habitable et compatible avec leur projet.
Aujourd’hui, pour accompagner François-Xavier dans son travail, il y a du monde à la ferme.
20 alpagas, une dizaine de machines performantes, une boutique regorgeant de produits divers confectionnés avec la laine filée sur place, deux chiennes et un chat (ne les oublions pas), occupent les lieux.
Auxquels s’ajoute de temps à autre son ami Adrien qui vient lui prêter main forte quand le besoin se fait sentir.
Vingt alpagas et autant de prénoms différents : Victoire (prénom donné par Vincent), Xantos (né à la Panèterie), Chouquette, Xiu…
L’alpaga, un animal atypique
Dans la famille Camélidé, je demande l’alpaga
L’alpaga fait partie de la famille des Camélidés au même titre que les dromadaires, les lamas, les vigognes ou les chameaux.
Originaire de la Cordillère des Andes, c’est un animal ruminant de taille moyenne (autour d’un mètre pour les plus grands), d’environ 70 kg, à l’espérance de vie assez courte (20 ans environ).
Une particularité propre à cette famille est la concentration de leur fumier en un même endroit. La raison de ce comportement est sanitaire : un lieu unique limite la propagation des parasites. A la Panèterie, dès que vous aurez repéré les toilettes du troupeau, vous pourrez donc marcher tranquillement. Le risque de rencontre « indésirable » est faible.
La couleur de ses poils varient du noir au blanc en passant par différentes nuances de marron, de blond ou de gris. Il existe au total 16 couleurs officielles pour la laine d’alpaga.
Sa finesse, sa douceur et sa chaleur exceptionnelle en font une fibre d’exception, bien supérieure à celle du mouton. Des qualités qui intéressent les designers de haute couture qui l’intègrent dans des collections parfois prestigieuses. En Amérique du sud, on la surnomme d’ailleurs « la fibre des dieux ». Elle est qui plus est thermorégulatrice (s’adapte à la température du corps) et hypoallergénique (non-irritante). What else ?
Elever un alpaga, c’est un métier
François-Xavier a un profond respect pour ses alpagas et connaît parfaitement leurs habitudes et leurs besoins. Et quand il prend connaissance d’incidents liés à la méconnaissance de l’animal, il s’insurge. L’alpaga n’est pas une peluche que l’on met dans un coin de jardin et avec laquelle on s’amuse comme bon nous semble.
L’imprégnation de l’animal dans les premiers mois de sa vie est un exemple de problème récurrent.
Habituer un jeune alpaga aux caresses est contraire à ses besoins. En le cajolant ainsi, l’homme n’est plus un être différent aux yeux de l’animal, il devient l’un de ses siens. Et arrivé à l’âge adulte, le copain de jeu devient un rival. Et comme le copain n’a jamais eu d’ascendance sur lui, l’alpaga n’en a pas peur et peut devenir agressif. Un animal qui refusait de se laisser tondre a par exemple blessé son propriétaire au bras. Bien éduqué, l’alpaga accepte au contraire l’autorité de l’éleveur.
Des problèmes naissent aussi lorsque mâles et femelles ne sont pas dans des enclos séparés.
«Il faut de préférence un no man’s land de 5 mètres au moins entre les mâles et les femelles » nous précise Francois-Xavier. En effet, chez l’alpaga, la femelle n’a pas de période de chaleur. La possibilité de reproduction existe donc à tout moment, l’ovulation étant déclenchée par la saillie du mâle. Ce qui peut, chez les femelles déjà fécondées, provoquer des avortements, ou pire des décès.
Il importe également d’avoir un espace de pâturage suffisant pour élever ou adopter des alpagas. A la fois pour répondre à ses besoins de nourriture mais aussi de lien social. Les alpagas ne supportent pas la solitude, ils ont besoin d’être plusieurs pour s’épanouir. Trois au minimum, idéalement un mâle et deux femelles. Etre reconnu et avoir une place au sein du groupe est essentiel pour eux. Tous les membres du cheptel reniflent chaque nouveau-né dès la naissance. Ils pourront ainsi l’identifier ultérieurement comme un élément du groupe.
Aussi douce soit-elle, ne rêvez donc pas à une adorable boule de poil d’alpaga à vos cotés sur votre canapé ou dans votre jardin. Ca finira mal, pour l’un comme pour l’autre.
Le quotidien de l’éleveur
Nourrissage, apports en compléments alimentaires, soins, présence… François-Xavier vit au rythme de ses animaux et des besoins inhérents à leur élevage.
Il y a bien sûr les besoins courants qu’il faut satisfaire : eau, sel, pâturage (ou fourrage en hiver).
Mais il faut aussi leur apporter quotidiennement les compléments alimentaires qu’ils ne trouvent pas dans leur nourriture (du sélénium et des sels minéraux notamment…). Un apport commandé en Angleterre par souci de qualité et qui se fait à tour de rôle pour chacun des groupes (mâle et femelle).
Les soins font aussi partie de la panoplie nécessaire à l’éleveur d’alpaga.
Comme tout être vivant, l’animal a parfois des problèmes de santé qui nécessitent un suivi attentif. Stress, blessures, maladies sont autant de problèmes potentiels qu’il faut apprendre à repérer et à soigner.
A titre préventif, il est nécessaire de vacciner et vermifuger le troupeau une à deux fois par an selon les besoins.
De même, l’alpaga possédant des pattes avec deux gros doigts montés sur coussinets, des séances de manucure sont nécessaires de temps à autre pour lui couper les ongles.
Les dents de l’alpaga ne sont pas à négliger non plus. Elles doivent faire l’objet d’un contrôle régulier pour qu’il puisse s’alimenter correctement et éviter des maladies.
Lors d’une naissance, il faut aussi désinfecter le cordon ombilical et donner un sérum anti-tétanos au nouveau né (le « cria ») dans les 12 heures qui suivent son arrivée.
S’ajoute chaque weekend le nettoyage des écuries et la remise en ordre des étables.
Et puis, il y a bien sûr le travail de transformation de la laine et la gestion de l’entreprise à assurer.
Les 12 travaux de François-Xavier
La Panèterie possède un parc complet de machines en provenance du Canada, spécialement adaptées aux petites entreprise de filature. Elles tournent au quotidien et ont besoin d’un entretien régulier assuré par un spécialiste.
Chacune d’elles a une fonction bien précise, s’inscrivant dans un processus de transformation de la laine en 12 étapes :
1) La tonte
Tout commence par la tonte un beau jour de printemps (au mois de mai). Celle-ci n’a lieu qu’une fois par an, après les dernières gelées et avant les chaleurs de l’été. Le bel animal se retrouve en une vingtaine de minutes déplumé de 2 à 3 kilogrammes de poils.
Un strip-tease intégral réalisé par l’une des rares spécialistes de la tonte d’alpagas en France : Eve Kastner. Une coiffeuse itinérante au carnet de rendez-vous bien rempli que tous les éleveurs du grand sud-ouest s’arrachent le moment venu. « En Mai, fait ce qu’il te plait », dit le dicton. Pas sûr qu’Eve soit d’accord.
2) Le dépoussiérage
La laine stockée dans d’épais sacs transparents hermétiques (la lumière permet de la protéger des mites) est tout d’abord déposée dans une sorte d’essoreuse à salade géante.
La machine secoue la toison, la tourne et la retourne afin de la dépoussiérer. Il peut y avoir jusqu’à 350 grammes de poussière par sac de laine, la terre étant un antiparasitaire naturel dans laquelle se roule l’alpaga.
3) Le lavage
Vient ensuite l’étape du lavage. Cinq cycles avec une eau la plus saine possible sont nécessaires pour laver trois kilos de laine. La machine étant compartimentée, elle permet de laver ainsi si nécessaire trois laines différentes d’un kilo chacune maximum.
4) Le séchage
Après l’essorage en machine, la laine est séchée naturellement dans des caisses entreposées dans l’atelier.
Chacune d’elles est étiquetée au nom du client ayant apporté sa laine à la Panèterie pour être filée.
5) L’écharpillage
Autrefois, nos grands-mères s’occupaient d’ouvrir et de démêler la laine à la main au coin du feu. A la filature de la Panèterie, une machine assure ce travail.
Visuellement, l’opération a un petit côté poétique. Les mèches de laine sont déposées sur un tapis roulant, puis projetées après séparation mécanique dans un espace fermé dans lequel elles volent comme des plumes sous l’effet d’un souffle d’air chaud. Un peu comme une bataille de polochon sans les polochons.
Leur baptême de l’air terminé, elles se déposent au sol et forme une couche de laine légère de 50 à 60 cm d’épaisseur. Elle est ramassée ensuite avec soin avec de l’huile antistatique pour éviter que les « plumes » collent.
6) L’éjarreuse
Une machine rare en France (c’est même le seul exemplaire existant) que François-Xavier a tenu à acquérir dans un souci de qualité constant. « Nous recherchons l’excellence » explique t-il.
Le passage de la laine dans cette machine permet d’affiner encore plus le démêlage et le tri des fibres. Celles trop courtes (moins de 5 centimètre) ou trop grossières ainsi que les déchets végétaux encore présents sont extraits de la toison et récupérés dans des bacs de collecte.
Seules les plus belles fibres sont conservées. Elles sortent en bout de machine sous forme de ce que le fileur appelle « le nuage ». Une boule cotonneuse d’une légèreté et d’une douceur merveilleuse, le Graal du fileur de laine.
Cette recherche de qualité maximale a toutefois sa contrepartie : entre 10 et 30, voire 40% de la toison est perdue dans l’opération, et le processus demande du temps.
7) La cardeuse
Cette machine démêle finement les fibres et les aligne entre elles, à la façon d’un gros peigne.
Son objectif final est double, selon la matière qu’on lui présente :
– s’il s’agit du « nuage » sortant de l’éjarreuse, elle va produire un long ruban épais de plusieurs mètres (nommé « ruban cardé ») qui poursuivra sa transformation dans les étapes 8 à 12 suivantes.
– s’il s’agit de fibres de moins bonne qualité (triées lors de la tonte ou du passage à l’éjarreuse), elle va produire un ruban beaucoup plus large et épais, destiné à la fabrication de feutre.
La fabrication du feutre
Le fileur découpe ensuite ce gros ruban (appelé « nappe cardée ») pour le déposer sous forme de nappe dans un pressoir rectangulaire spécifique.
Grâce à sa technique, son expérience et selon les besoins, il peut produire plusieurs qualités de feutre, de la plus basique à la plus haute.
François-Xavier ne réalise pas fréquemment cette opération de feutrage, mais ce jour là il avait justement une commande à terminer. Nous avons donc pu suivre l’étape finale de transformation de la fibre en feutre.
Une fois mises en place dans le pressoir, l’action combinée d’eau chaude savonneuse et du mouvement de friction de la machine, va resserrer les fibres, les ramollir et les souder, créant ainsi le tapis de feutre.
L’opération nécessite de presser la nappe à cinq reprises :
- Un premier pressage permet d’enlever les plis. Il est important que la densité de la nappe soit la plus homogène possible sur l’ensemble de sa surface.
- Le deuxième va frictionner la nappe dans un sens.
- Le troisième va répéter la même opération après retournement de la nappe sur elle-même.
- Pour le quatrième passage, la nappe est préalablement placée perpendiculairement à sa première position avant une nouvelle friction.
- Enfin, le cinquième passage frictionne une dernière fois la nappe après avoir été retournée à nouveau sur sa face d’origine.
Selon les fibres choisies au départ, les couleurs obtenues peuvent être très variées. Ce feutre servira ensuite à la confection de mitaines, de chapeaux ou de vêtements. Et à la Panèterie, Francois-Xavier tient à privilégier les circuits courts. C’est donc à peine à 600 mètres de son atelier que Christine, une voisine, se charge de la confection artisanale des pièces en feutre. Difficile de faire plus court.
8) Le banc d’étirage
Une fois la fibre cardée, on la passe dans un banc d’étirage pour régulariser la grosseur des rubans. Les rubans sont réunis par deux, étirés (leur longueur est multipliée par 9) et légèrement torsadés. L’ensemble obtenu est plus fin, sa cohésion plus forte et sa solidité plus importante. On passe alors du ruban à la mèche.
9) La fileuse
Cette machine a pour fonction de transformer la mèche en fil. Selon le type d’appareil, 4, 8 ou 12 mèches peuvent être filées simultanément. A la Panèterie, la fileuse en accepte 8.
Les mèches sont fixées à l’arrière de la machine puis sont roulées vers l’avant entre deux petits rouleaux, un lent et un plus rapide. Elles se transforment ainsi en un fil unique s’enroulant autour d’une bobine placée en bas de l’appareil.
10) Le bobinage
Le fil ainsi obtenu va ensuite être associé à un ou deux autres fils pour former le fil de laine définitif. Plusieurs diamètres, couleurs, ou longueur de fils sont disponibles.
Les bobines issues de la fileuse sont regroupées par deux ou par trois en haut de la machine. Leurs fils sont ensuite rassemblés plus bas sur de petits rouleaux qui vont les unir en un fil unique torsadé.
La machine va calculer la longueur à fabriquer en fonction du poids de la fibre.
Elle peut associer deux ou trois couleurs afin d’en créer une nouvelle (par exemple du noir et du blanc pour obtenir du gris).
11) Le passage à la vapeur
Une fois les bobines obtenues, le fil est passé dans un tube à vapeur pour fixer définitivement la torsion réalisée à l’étape précédente (qui par défaut cherche toujours à se détordre pour retrouver sa position initiale).
Le processus peut prendre du temps si le fil est long. Il faut compter une journée de vapeur pour venir à bout de 16kms de fil.
12) Le conditionnement final
A la sortie de cette dernière opération, le fil est enroulé autour d’un cône et est enfin prêt à être utilisé.
Il peut aussi être conditionné sous forme de pelote ou d’écheveau.
Une entreprise à faire tourner
François-Xavier « aime le contact avec la matière, avec cette fibre exceptionnelle, et ces animaux », c’est pour lui un vrai bonheur.
Mais il le sait, faire ce que l’on aime est une chose, en vivre en est une autre. «J’adore ce boulot, mais il me faut réussir à tenir financièrement ».
Toute création d’entreprise nécessite un investissement financier et personnel souvent conséquent, et il n’est pas toujours facile d’y répondre.
Le financement du projet
Le projet monté par les deux associés représentait un investissement de 300 000 euros (hors achat du terrain). Leur première préoccupation a donc été de trouver les fonds nécessaires à sa réalisation, tout en subvenant aux besoins du quotidien.
Dans un premier temps, Francois-Xavier a repris son travail d’architecte pendant que Vincent gérait l’exploitation agricole.
Après le décès de Vincent, il a créé une société en janvier 2020, la Sarl des alpagas de la Panèterie. Cette association tripartite avec les Alpacas O’Peyroux (Dominique et Daniel Pays, installés à Liginiac en Corrèze) et un couple d’amis belges était impérative pour crédibiliser son projet et lui permettre de déposer des demandes de subventions auprès de différents organismes. Seul, son projet intéressait mais ne rassurait pas assez.
Plusieurs structures d’aide aux porteurs de projet répondent alors favorablement, ce qu’il n’oublie pas de rappeler quand l’occasion se présente, conscient que sa filature n’aurait peut être pas pu voir le jour sans eux.
La communauté de commune Xaintrie Vallée de la Dordogne et Initiative Corrèze l’ont ainsi accompagné dans sa démarche.
Il a bénéficié d’une subvention importante de la région, d’une prime liée au développement économique en milieu rural et d’un prêt d’honneur. Il a aussi sollicité l’Europe (Feder), mais l’aide qu’elle lui a apporté a été si ridicule (prêt de 1500 euros remboursable) qu’il préfère en rire et ne pas la mettre en avant.
France active, une association de soutien aux entreprises, a accepté également de se porter garante pour l’emprunt bancaire réalisé par la Sarl. Un soutien précieux qui évite à François-Xavier d’hypothéquer ses biens, et lui assurera de rester propriétaire de ses bâtiments en cas de faillite.
Un équilibre comptable à trouver
La Panèterie en est à ce jour à sa quatrième année de fonctionnement et le crédit engagé court sur une période de sept ans. Cette durée assez brève permet de diminuer le cout total du crédit, mais suppose en contrepartie de pouvoir supporter des mensualités de remboursement élevées.
Actuellement, la filature ne peut pas être rentable avec la seule laine des alpagas de la Panèterie. Les 50 kilos annuels que le troupeau permet de produire sont très en dessous des 400 kilos minimum nécessaires au bon équilibre de l’entreprise. Un manque à gagner difficile à gérer, qui a même conduit François-Xavier a retravaillé un temps comme magasinier dans un commerce, en parallèle de son activité.
Pour s’en sortir, il transforme aujourd’hui la toison amenée par d’autres éleveurs qui n’ont pas les compétences et le matériel pour le faire eux-mêmes.
A la Panèterie, il faut compter un an à un an et demi de délai pour clôturer une commande. Cela peut paraître long, mais les délais sont encore plus importants ailleurs : deux ans en Belgique et trois en Italie.
Et François-Xavier est aujourd’hui seul pour mener cette entreprise, ce qui complique les choses. Pour autant, il parvient parfois au prix d’un travail acharné à réduire certains délais pour répondre à la demande de ses clients.
A ces remboursements de crédits en cours, au combat quotidien pour trouver des clients et faire progresser son chiffre d’affaires, s’ajoutent aussi les coûts d’exploitation qui ne cessent d’augmenter. La hausse récente des tarifs de l’électricité par exemple l’oblige pour l’instant à ne plus chauffer son atelier.
Communiquer pour mieux exister
Pour développer son activité et la rendre pérenne à terme, François-Xavier doit aussi se faire connaitre.
Plusieurs axes de communication ont été mis en place :
- Les réseaux d’abord. Et plus exactement Facebook qu’il prend soin d’alimenter régulièrement sur une page dédiée à son activité.
- Les acteurs du tourisme (offices de tourisme, collectivités territoriales, sites internet…)
- Les médias ensuite. Il n’hésite pas à accepter toutes les propositions de reportage sur sa filature : journaux locaux, télés, radios, blogueurs… rien n’est à jeter dès l’instant où un intérêt est porté à son activité et qu’elle fait l’objet d’une diffusion.
- Les concours aussi. Il participe régulièrement à des concours d’alpagas où la qualité de ses animaux est souvent récompensée. Il en tire ainsi une certaine reconnaissance qui favorise la promotion de son travail.
- Le marché local de Noël l’intéresse également, même s’il est contraint d’y déménager la boutique de son atelier à défaut d’avoir du stock en réserve.
- Et puis surtout, à la filature même, il organise des visites payantes (8 euros) tous les deuxièmes dimanches du mois à 14h30, et tous les mardis et jeudis matins à 10h pendant les vacances scolaires.
Les groupes sont bien sûr les bienvenus, dans la limite toutefois de 20 personnes et sous réserve de réservation préalable.
Les visites privées sont aussi possibles à partir de 10 personnes minimum ou pour un forfait de 80 euros (quelque soit le nombre de visiteurs). Elles durent environ 1h30 (2h en ajoutant la visite de la boutique) et comprennent la découverte des alpagas, des explications sur leurs origines, leurs spécificités, et la visite de la filature avec quelques machines en fonctionnement. - Accessible toute l’année sur rendez-vous, la boutique en forme de temple (pour honorer la « fibre des dieux ») attend les visiteurs à l’intérieur de la grange. Ils y découvriront de multiples créations artisanales 100 % alpaga dans un décor royal. Visite à pas feutrés recommandée…
- En complément, François-Xavier s’investit dans différentes structures liées à l’alpaga.
Il est ainsi notamment président de l’association Royal Alpaga (ARA) qui regroupe des professionnels ou des amateurs passionnés de l’animal.
En collaboration avec deux autres éleveurs-fileurs, il a aussi créé la marque ASSTEQ (Alpagas Sélection Service Transformation et Qualité) pour promouvoir l’excellence de leur laine en France et à l’étranger.
Les objectifs à court terme
Trois objectifs principaux sont envisagés :
- développer le troupeau d’alpagas (dans l’idéal avoir un cheptel d’une quarantaine d’animaux) en favorisant les naissances sur le domaine.
- trouver de nouveaux clients fiables et de qualité (les toisons apportées sont parfois de qualité très moyenne).
Un contrat de 400 kilos de toison avec un éleveur est envisagé prochainement, mais sans aucune certitude encore. Un apport qui serait pourtant libérateur pour Francois-Xavier puisqu’il lui assurerait un chiffre d’affaires suffisant pour tenir l’année entière.. - dans tous les cas, poursuivre sur la voie de l’excellence du produit et proposer ainsi une laine de haute qualité se démarquant des autres filatures existantes.
Si vous passez dans le coin
La Panèterie est une filature unique en France, n’hésitez pas à rendre visite à François-Xavier, il sera ravi de partager sa passion avec vous. Cet élevage et cette filature sont le rêve de sa vie. Sa ténacité et son courage pour les développer et les faire perdurer nous ont impressionnés. Venir à sa rencontre c’est l’aider un peu financièrement mais c’est aussi l’encourager à poursuivre l’aventure.
Et vous verrez, ses alpagas sont si craquants que vous aurez bien du mal à repartir de là.
Pour le contacter et le rencontrer…
( Cette visite de la filature de François-Xavier Barbieux s’est faite en janvier 2024 )
Très, très beau reportage !
Les trois premières phrases d’avant propos ainsi que la première photo, donnent tout de suite envie d’en (sa)voir plus…
De superbes gros plans sur la laine (« la fibre des Dieux », une appellation qui fait rêver), puis l’animal et son environnement, l’homme et ses machines, le travail manuel, un dernier gros plan que j’adore, jusqu’à cette superbe boutique… c’est complet !
Une rencontre intéressante et un très beau reportage.
Wahou ! Un immense merci pour ce commentaire qui nous touche beaucoup. VRAIMENT !!
Nous sommes de grands fans des artisans, de leur savoir-faire, de leur univers spécifique. Nous les trouvons touchants et si fondamentaux dans une société. Malheureusement, bien souvent, ils ne sont pas assez mis en valeur. D’où cette volonté de photographier et d’écrire à leur sujet pour mettre toute la lumière sur eux. A leurs côtés, nous nous sentons privilégiés de vivre ce moment intime.
Et comme toujours, il nous semble important de partager le beau…
Bonjour,
Un très grand merci pour votre visite !
Je relis avec plaisir ce texte très juste, tellement sincère, et les photos sont vraiment de très grande qualité.
Une mise en valeur de qualité de notre activité.
Si un jour vous êtes dans les parages n’hésitez pas à repasser nous voir, juste pour prendre une tasse de thé, je vous reverrai avec grand plasir.
François-Xavier
Bonjour François-Xavier,
Une belle surprise que cette visite et ce commentaire laissé sur le site.
Merci de nous avoir fait confiance, de nous avoir accueillis et offert de votre temps précieux. Ce fut une belle découverte et un grand enrichissement que de comprendre et immortaliser le parcours, le quotidien, le travail de la filature.
Nous espérons que cela se ressent dans chacun de nos mots.
Nous viendrons boire un thé chez vous dès que l’occasion se présentera.