La cascade de sel d’Egerszalok


En Hongrie, au Sud de la belle ville baroque d’Eger, célèbre pour ses vins,
coule au milieu des collines une source thermale naturelle
unique en Europe : la cascade de sel d’Egerszalok.


Eau bleue dans des vasques d'un bassin de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie

C’est l’or du baiiin…

C’est l’histoire d’une compagnie pétrolière qui cherchait de l’or noir et qui a trouvé… de l’eau chaude.

Nous sommes en 1961 en Hongrie, à quelques kilomètres au Sud de la ville de Egerszalok, pas très loin du Mátra, un massif d’origine volcanique. C’est dans ce massif que l’on trouve le point culminant du pays, le mont Kékes (1015m).

L’eau chaude pour les ingénieurs de l’époque, c’est bien, mais ce n’est pas nouveau. La Hongrie est le pays des stations thermales, il y en aurait pas moins de 1300 disséminées sur tout le territoire ! Et ce n’est pas avec ça qu’on fait tourner les machines, rouler les voitures, voler les avions ou que l’on produit la multitude de dérivés pétrochimiques de notre quotidien.

Mais comme cette eau a des propriétés médicinales, elle va en intéresser d’autres… Comme disait Grand-mère : « ceux-là ils n’ont peut-être pas inventé l’eau chaude, mais ils n’en ont pas moins le sens des affaires ». Que de sagesse chez Grand-mère…

Un faux air de faussaire

Il y a parfois des sites à travers le monde qui vous charment dès la première photo croisée sur internet. A peine découvert, vous n’avez qu’une envie : aller les voir !
La cascade de sel d’Egerszalok faisait partie de nos multiples coups de coeur sur écran, découverts en préparant ce voyage.

Mais quand le rêve devient réalité, il y a parfois un décalage entre ce que l’on imaginait trouver et ce que nous trouvons effectivement. La photographie a ce pouvoir d’isoler soigneusement un morceau de paysage qui attire, en délaissant ce qui pourrait perturber autour. Et c’est ce qui s’est passé là.
Comme l’a écrit Sophie Bassignac : « Méfie-toi des images, Ce n’est pas parce qu’on photographie le réel qu’on montre la réalité ».

La colline blanche

Pourtant, cette « colline de sel » (« Sódomb » en hongrois) créée par le contact d’eaux thermales naturelles à 65 degrés avec l’air mérite vraiment le coup d’oeil. Surtout le matin à la fraîche, quand le soleil vient éclairer les fumées gazeuses et soufrées qui s’en échappent.
Le lieu devient alors presque féerique, noyé dans une brume particulièrement photogénique. Seule la petite odeur d’oeuf pourri qui traine dans l’air perturbe un peu. Mais rien de bien méchant. Ca rappellera peut-être même quelques « bons » souvenirs de collège à certains.

Vapeur d'eau chaude sur un bassin de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Vapeur d'eau chaude à la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Vapeur d'eau chaude devant le complexe thermal de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie

Alimenté par deux puits (l’un creusé en 1961, l’autre en 1987), ce monticule minéral s’étend sur 1000 m² environ. C’est un peu la version réduite de ses illustres ainés turc (Pamukkale) et américain (Yellowstone).
Sa forme et ses couleurs varient en fonction des saisons et des années, mais quand nous y étions il ressemblait à un beau plateau blanc d’où chutaient des eaux pétrifiées multicolores. Du marron, du orange, du rose, du bleu, du vert… l’ambiance était à la fête dans les cascades, le calcaire coulait à flot.

Cascade de calcaire coloré pétrifié
Détail de cascades de calcaire coloré pétrifié
Herbe et vasques d'une cascade de sel

Bassins artificiels

Autour d’elle, trois vastes bassins en béton épousent la pente. Nous n’avons pas été invité au mariage, mais il est difficile de les éviter une fois sur les lieux.
Deux d’entre eux sont vides, grisâtres, dépouillés des eaux thermales qu’un tuyau amenait autrefois depuis la cascade. Des mariés plutôt tristes qui gâchent un peu la fête.
Le troisième, contigu à la « colline de sel », est beaucoup plus joyeux et esthétique. Constitué de petites vasques artificielles en arc de cercle remplies d’eau claire, le calcaire qui les recouvre pourrait presque faire croire à des travertins naturels. Mais la géométrie des lignes, le béton parfois apparent des vasques et les murets périphériques du bassin trahissent la réalisation humaine de l’ensemble.

Vasques colorées par le calcaire dans un bassin de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Oiseau sur une vasque artificielle d'un bassin d'eau thermal
Vasques d'un bassin de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie

Chasse gardée

Pour apprécier pleinement ce site aux premières heures du jour, il faut toutefois oublier un peu ce qu’il y a autour.

Aux pieds de ces bassins, des baigneurs se détendent dans les piscines extérieures d’une station thermale à l’eau bleue turquoise. Le calcium et le soufre qu’elle contient ont plusieurs effets bénéfiques, notamment sur les troubles inflammatoires et musculo-squelettiques (arthrose, douleurs lombaires…).

Complexe thermal Saliris Resort à la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Point découlement des eaux thermales de la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Vasques et complexe thermal Saliris Resort à la cascade de sel d'Egerszalok en Hongrie
Complexe thermal, bassin et cascade de sel d’Egerszalok

L’immense complexe de bien-être Saliris Resort tapisse le bas de la colline, étageant des centaines d’appartement sur plusieurs niveaux.
Ce centre thermal appartient à une société qui a privatisé la source et sa cascade. Les habitants du village, qui profitaient librement jusque là de cette source bienfaitrice, en ont été dépossédé il y a une dizaine d’années. Si l’on veut pouvoir admirer cette cascade de face ou par en dessous, il faut payer un droit d’entrée.
La visite « libre » n’est possible que par le haut du site, le long d’une clôture en bois délimitant le chemin d’accès.
Là, les collines environnantes et ses forêts ont gardé leur liberté. De l’autre côté de la barrière, l’eau aux vertus thérapeutiques a été emprisonnée à des fins commerciales.
Une question vient à l’esprit : sur cette planète déjà bien malade, l’intérêt privé peut-il encore avoir sa place aujourd’hui quand l’enjeu est un bien naturel bénéfique à tous ?

Pour le spectacle

Au final, notre magnifique paysage rêvé depuis la France s’est avéré plutôt décevant.
Le complexe thermal domine l’espace de sa masse imposante, et les points de vue pour contempler la cascade sont limités. Arriver à ne photographier que les parties les plus naturelles du site devient presque un exploit. C’est au prix de quelques contorsions entre les poteaux des barrières qu’on y arrive. Un lumbago est possible. Pas d’inquiétude pour autant, Saliris Resort soigne justement ce type de problème. A croire qu’ils l’ont fait exprès les malins…

Mais relativisons quand même un peu tout ça. Cette cascade thermale naturelle est la seule existante en Europe. Admirer ses brumes du matin au-dessus de ces dépôts de minéraux colorés reste un beau spectacle. Si vous passez par là, arrêtez-vous un instant, ça serait dommage de ne pas en profiter.

Pour stationner, un grand parking (payant) se trouve en bord de route, au niveau de l’accès au complexe.
Prix : 150 forints les 30 minutes (soit 0,40€ environ) / 300 forints pour 1 heure (soit 0,80€ environ).


(Cette visite de la cascade de sel d’Egerszalok s’est faite en octobre 2023)

2 réponses sur « La cascade de sel d’Egerszalok »

  • Un coup de coeur pour les premières photos de cet endroit (certains d’entre nous se souviennent très certainement de la cascade déjà présentée), cette brume toujours si photogénique et ces vapeurs de sel…
    Puis c’est la découverte des collines avec ces couleurs ocre et vert (comme un dessert pistache – caramel), c’est très beau et insolite.
    Viennent ensuite les bassins, ces petites vasques d’eau claire et de calcaire, jolies aussi… jusqu’à ce qu’on lise la suite « Chasse gardée » et que l’on découvre les photos du complexe thermal.
    C’est vrai que la photo en général est sélective, parfois trompeuse, elle est le fruit de notre regard, une infime partie de la réalité, de ce qui nous entoure.
    Dommage que ce complexe gâche l’ensemble, mais le reste est tellement beau !

  • Quelle jolie description du lieu et de l’article : un mélange de poésie et de pâtisserie (Proust approuverait …bien qu’une madeleine pistache-caramel ne doit pas être facile à trouver :-)) ).
    Pas facile, lorsque l’on est sur les lieux, que l’on aime profondément la nature et les causes justes de réussir à ne pas froncer les sourcils devant l’utilisation qu’en ont fait certains humains. Alors on cueille le plus possible la beauté, même s’il faut se contorsionner et ruser, utiliser les techniques photographiques pour ne garder que le meilleur du site.

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