Mauricette, une leçon d’authenticité

Une rencontre enrichissante, il est rare qu’on la garde pour nous seuls.
Elle a besoin d’aller plus loin, elle demande à être partagée pour enfanter ailleurs.
Voici l’une d’elle, croisée dans un village de Provence au détour d’une rue.
La vie nous a fait ce jour-là ce très beau cadeau, en toute simplicité,
dans un souffle d’air pur, réconfortant, vivifiant.

Femme souriante assise sur un canapé rouge, Mauricette, une leçon d'authenticité
Mauricette


Une vie entière pour se mettre à nu

Il est des moments dans la vie qui nous permettent d’avancer plus que d’autres, d’une simple rencontre.
Nous en ressortons différents, profondément nourris, plus heureux peut être, grandis certainement.
Notre rencontre avec Mauricette eu cet effet-là.

Donnez-nous donc la main, on vous emmène à notre tour partager quelques instants avec elle.

Sur le chemin des autres

A la sortie des confinements successifs de 2020 et 2021, nous avons ressenti le besoin de faire une longue randonnée pédestre. Et puisque la France est un lieu privilégié pour cette saine activité, plutôt que de chercher loin ce que nous avions à notre porte, nous sommes partis pour une grande traversée de la métropole en diagonale, entre la côte d’Azur et la Bretagne.
Partis du sud, nous sommes remontés vers le nord à la vitesse de nos petits pas. Bien loin d’une voiture à la rame ou d’un avion au galop, nous délaissions les grands axes pour emprunter des sentiers connus ou cachés, des itinéraires personnalisés, des chemins de campagne. Loin des villes, loin des routes, loin du bruit, nous avions choisi de voyager lentement, au plus près de la nature et de ses habitants, pour prendre le temps de s’en imprégner davantage, pour essayer de mieux les comprendre.
Ce jour-là, nous marchions dans les Alpes de Haute Provence. Une longue étape était prévue, à la fois belle et difficile.

Après la pluie le beau temps

Le temps devenait instable lorsque nous sommes entrés dans un village isolé plein de charme, perché sur un replat, à quelques 1000m d’altitude. L’heure du pique-nique venait de sonner. Un banc salutaire et ensoleillé nous proposait de poser nos sacs ici pour faire notre pause déjeuner et reprendre un peu de force. Difficile de refuser une offre aussi alléchante. Nous nous sommes donc assis là sans résister, espérant que le ciel de plus en plus menaçant ne vire pas à la pluie.
Et il a viré à la pluie.
Mais comme souvent dans la vie, à chaque situation désagréable vient s’interposer son contraire.
Nous regardions encore le ciel avec un peu d’inquiétude, quand une voix discrète arriva sur notre droite  : une dame nous saluait gentiment devant sa maison, observant nos sacs de randonnée. Très vite, elle s’approcha et nous proposa de prendre un café, dehors sur le banc ou chez elle, selon notre envie.
La pluie commençant à tomber avec conviction, l’invitation au chaud nous paru largement préférable. Et le sourire avenant qui l’accompagnait ne pouvait que pousser nos dernières hésitations à rendre les armes.

Le sens de l’accueil

Les lieux d’habitation nous en apprennent souvent beaucoup sur la personne qui y vit, l’ambiance ressentie y est rarement anodine. Chez Mauricette, sa maison est à son image : à la fois simple, calme, lumineuse et harmonieuse. On s’y sent bien.
A peine entrés, elle nous invite à nous asseoir sur un canapé installé près d’une fenêtre orientée vers la montagne, et s’en va préparer le café et le thé dans la cuisine attenante. La vue sur les reliefs boisés et le vallon voisin est belle et apaisante.
Tout en sirotant notre boisson chaude avec délectation, nous entamons la discussion et cernons assez rapidement les grands traits de la personnalité de notre hôte : indépendante, autonome, elle a la liberté chevillée au corps. Son parcours tant professionnel que personnel le démontrent.

Histoire d’une vie

Mauricette a 66 ans, une fille, et a exercé trois professions différentes. Tour à tour éducatrice spécialisée, professeure de yoga et céramiste, elle a toujours écouté ses envies, ses besoins. Elle pourrait profiter de sa retraite comme le ferait beaucoup, mais ça ne l’intéresse pas. Ce qui la motive aujourd’hui c’est plutôt de chercher, trouver et s’essayer à un quatrième métier «  tourné vers les autres » comme elle le précise.
Dans sa vie personnelle, elle n’a jamais choisi la facilité ni la sécurité, mais sans cesse l’authenticité.
C’est ainsi que du jour au lendemain, vivant depuis plusieurs années avec un compagnon, elle décide de tout quitter (compagnon, maison, métier, région) et part seule sur les routes avec sa modeste 4L. Elle atterrira ici, en Provence, dormant dans sa voiture dans un premier temps, au milieu d’un hameau abandonné sur les hauteurs voisines.
Evidemment, ce choix assumé la mettait face à une difficulté supplémentaire : le regard des autres sur elle. Quand on prend la décision de vivre en marge, on dérange beaucoup. Mauricette n’y a pas échappé mais n’en avait cure, et elle en rit encore quand elle évoque cette période de sa vie. La bonne humeur semble être à l’évidence sa compagne de tous les jours.

Cette graine à trouver

Comme elle l’explique « J’ai toujours cherché ma graine. Une fois qu’on a trouvé sa graine, on peut la transmettre, on peut permettre à d’autres de trouver la leur ». Cette graine, selon elle, c’est le potentiel de chacun.
Mais elle sait que ce potentiel n’est pas facile à dénicher « on passe toute sa vie à enlever nos pelures d’oignons laissées par notre éducation et la société. C’est ainsi, et c’est un travail à ne jamais lâcher pour être vraiment soi. »
Son quotidien est jalonné d’alternances entre rencontres (elle accueille des randonneurs, des personnes dans le besoin) et solitude (elle a retapé seule sa maison, aime les marches en solitaire dans la montagne, apprécie dormir plusieurs nuits d’affilée dans sa voiture, isolée de tout).
Elle bénit aussi bien ces « rencontres magnifiques » que la vie apporte, que le silence dont elle a profondément besoin.
Pour autant, Mauricette est une femme lucide. Bienveillante et généreuse certes, souhaitant aider et partager aussi, bien sûr. Mais pas non plus à son détriment ! Ainsi, elle sait poser des limites à ceux et celles qui « vampirisent et entrent dans ton pot, à ceux qui profitent de ta gentillesse et envahissent, s’imposent, ne respectent pas ».

Le jeu des trois questions

Enthousiasmés par cette discussion, nous lui posons quelques questions supplémentaires qui nous tiennent à cœur. Elle se prête au jeu sans difficulté et en toute simplicité.
A la première concernant son plus grand rêve, elle répond quasiment sans hésiter et avec un beau sourire : le partage ! « Il fera partie de moi, de mon chemin jusqu’au bout ! »
A la deuxième question « Et dis-nous Mauricette, dans le quotidien, qu’est-ce qui te rend heureuse ? » la réponse fuse : « Le silence !! mais pas le silence tel qu’on l’entend, car pour moi le silence est une part de langage. J’aime la profondeur de ce silence qui m’apporte chaque jour. »
Ses réponses nous surprennent, on aime ça. Une dernière question avant de partir : « Quelle est la plus belle émotion que tu aies vécue ? » Là, nous la voyons entrer en elle, chercher, et puis au bout de quelques secondes relever les yeux avec un sourire. Elle nous explique alors que le jour de ses quatre ans, avec ses parents, elle est allée dans les Alpes. Et là, pour la première fois de sa vie, elle a vu un soir un sommet enneigé sur lequel est venu se coucher le soleil. Pour elle ce fut comme un flash magique. Une émotion qui est restée ancrée en elle au point de lui faire dire plus tard « quand je serai grande, j’aurai une maison à la montagne. » Souhait exaucé !
Et elle termine sur ces derniers mots qui montre combien la montagne est importante pour elle : « la montagne, c’est initiatique ! ».

L’art de la transmission

Notre étape du jour n’était pas terminée, loin de là, il fallait repartir. Pourtant, nous avons quitté Mauricette joyeux, remplis de toute sa gentillesse et sa générosité, comme sur un nuage, un peu ailleurs.
La pluie venait de s’arrêter, nous profitions d’une courte éclaircie pour redémarrer. Le temps de sortir du village, et elle nous a rattrapé. Peu importe, nous avions trouvé notre rayon de soleil, il pouvait tomber des cordes, ce n’était pas très grave. Il faisait beau en nous pour le restant de la journée, et certainement pour plus longtemps encore.

Nous vous souhaitons de trouver un jour votre Mauricette, celle qui, par hasard (?) viendra déposer une belle graine en vous. Arrosez-la de vos bonheurs, de vos malheurs, aimez-la un peu tous les jours, osez la laisser grandir en vous, et ne ratez pas ses premières feuilles. C’est le signe de votre (re)naissance, la vraie, celle qui a su se débarrasser de ses pelures d’oignon.

2 réponses sur « Mauricette, une leçon d’authenticité »

  • Très joli récit, d’une très belle rencontre… c’est touchant.
    Une personne libre et originale, dont les yeux et le sourire parlent d’eux-mêmes !

  • Nous sommes touchés que Mauricette ne touche pas que nous…
    Ne jamais passer à côté des belles personnes nous semble être une devise à mettre en pratique au quotidien. Au détour d’une rue, au coin d’un magasin, lors d’un pique-nique de randonnée, une fée ou un ange peuvent apparaître. La preuve !
    Mauricette est bien résumée : libre et originale, une femme qui apporte beaucoup.
    Merci pour ce regard, cet arrêt, ce commentaire 🙂

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