Le platane de Tsagarada


C’est le doyen du village, le plus grand, le plus fort, le plus beau.
Habitant discret du Pélion, en Grèce, il fait l’admiration des passants.
Lui, c’est le platane de Tsagarada, un géant de bois.


Façade de l'église Paraskevi du village de Tsagarada dans le Pélion en Grèce

L’autre Grèce

Quand on évoque la Grèce, on pense surtout à la mer, aux îles, aux villages traditionnels bleus et blancs… Rarement à la montagne, aux arbres, aux villages isolés en forêt. Et pourtant, c’est ce monde plus intime et caché que nous avons découvert lors de notre périple en Grèce continentale.

Ruisseau coulant dans une forêt de la montagne du Pélion en Grèce
Maisons du village de Milies dans la montagne du Pélion en Grèce

Mieux que cela même : nous avons fait connaissance d’un arbre millénaire. Excusez du peu ! Un arbre incroyable, un arbre admirable, un arbre inoubliable.
Suivez-nous, nous allons faire les présentations.

Le Pélion

Le Pélion est une péninsule montagneuse du sud-est de la Thessalie en forme un crochet, séparant le golfe Pagasétique de la mer Egée. Son sommet culmine à 1630m d’altitude.

Il existe d’ailleurs un domaine skiable sur ses pentes vers 1500m d’altitude. Certes, on est loin des pistes prestigieuses des Alpes ou des Pyrénées, mais la station a un bel atout : elle permet de faire du ski tout en ayant une vue directe sur la mer Egée d’un côté et sur le golfe de l’autre. Va savoir, peut-être qu’avec un peu d’élan tu peux finir assis à la terrasse d’un café en bord de mer, ou te retrouver à faire du ski nautique en attrapant un bateau au passage…?

Un double face qui nous a scotché

Le Pélion a deux façades bien différentes.
Côté Ouest (golfe pagasétique), les paysages ressemblent à ceux de la Grèce en générale, ils sont à tendance méditerranéenne. C’est le pays des oliveraies, des plages chaudes et des eaux transparentes.

Chemin dans les oliviers devant le golfe pagasétique dans le Pélion en Grèce
Plage à Kala Nera dans le Pélion en Grèce

Côté Est par contre (mer Egée), la végétation contraste fortement avec le reste du pays. Ici, les oliviers laissent place aux châtaigniers, aux noyers, aux chênes, aux hêtres, aux pins. Une végétation abondante et diversifiée, verte au printemps et en été, parée de couleurs explosives à l’automne. Il y a bien sûr là aussi des plages ravissantes, mais l’endroit est surtout propice à la randonnée. De nombreux sentiers balisés sillonnent d’ailleurs la montagne entre mer, forêts et villages.
Parmi eux, sur le versant Ouest, « le chemin du Centaure ». Le Pélion est en effet connu dans la mythologique grecque pour avoir été le lieu de résidence des Centaures, ces êtres mi-homme, mi-cheval de l’antiquité. Mais on vous rassure tout de suite, tout ça n’est que de l’histoire ancienne. Tous les hommes et les chevaux que nous avons croisé ici étaient entiers. Si ça c’est pas une preuve…

Le village de Tsagarada

Situé à une cinquantaine de kilomètres de l’importante ville de Volos (150 000 habitants), le village de Tsagarada (on dit aussi Tsagkarada) a poussé en pleine verdure à 450m d’altitude, sur la façade Est.
Connu surtout pour son célèbre platane (voir paragraphe plus bas), ce petit village mérite un détour. Eclaté en 4 quartiers (hameaux) différents répartis sur plusieurs kilomètres, chacun a en commun une église, une place principale, un arbre vénérable et… un café. Ils se nomment Agios Stefanos, Agia Kiriaki, Agioi Taxiarches et Agia Paraskevi (on vous épargne la version en alphabet grec, c’est déjà assez compliqué comme ça).

Agia Paraskevi

C’est ce dernier, Agia Paraskevi, que nous avons visité.
Calme, dénué de touristes, invitant à la contemplation et à la détente, le hameau est particulièrement apaisant.
En partie haute, le long de la route principale, plusieurs commerces se sont installés : restaurants, épiceries, cafés, boutique de souvenirs… l’essentiel est là.
La partie basse, c’est la place principale du village, là où bat son coeur. L’ambiance ici est bucolique. L’arbre qui trône en son centre y est pour beaucoup, mais les espaces boisés qui l’entourent aussi. Un escalier en périphérie nous permet d’y descendre un instant. On y découvre une fontaine, un petit pont en pierre franchissant un ruisseau, et plus loin un sentier descendant vers la mer, promesse de baignade délicieuse.

Fontaine sous la place du village de Tsagarada dans le Pélion en Grèce
Petit pont en pierre franchissant un ruisseau dans le village de Tsagarada dans le Pélion en Grèce

Autour de la place, l’église Paraskevi (1789) et un hôtel-bar-restaurant occupent l’espace.

Eglise Paraskevi dans le village de Tsagarada dans le Pélion en Grèce
Terrasse du bar-restaurant sur la place de l'église du village de Tsagarada en Grèce

Se poser sur cette place l’été, à l’ombre du géant de bois millénaire, un café ou un rafraichissement à la main, et goûter au plaisir d’être là, simplement, voilà l’invitation que vous lance ce magnifique endroit. Et il est bien difficile de la refuser.

Le doyen du village

De la réalité…

Une place, une église, les tables d’un café, quelques personnes qui vont et viennent… il y a tout cela ici, et pourtant tout s’estompe en quelques secondes dès que le regard se pose sur l’arbre qui trône au centre de l’espace.
Plus rien d’autre n’existe que cet ancêtre imposant, ce maître des lieux multi-centenaire, ce doyen si vieux et si vivant en même temps.

Femme devant le platane millénair du village de Tsagarada dans le Pélion en Grèce

Le tronc de ce platane d’orient se divise en trois parties à environ 1m30 de hauteur depuis le sol de la place. Sa circonférence est de 13m50. Comme d’autres vénérables spécimens des villages voisins, il pousse les pieds dans l’eau, profitant des nombreuses sources qui coulent dans la montagne. On le dit âgé de plus de 1000 ans. Et il est vrai qu’il ressemble à un animal gigantesque veillant depuis des siècles sur la place du village. Un élagage a tout de même été nécessaire il y a quelques années. Et pour soutenir sa « branche » la plus basse, un pilier en maçonnerie a été réalisé. Surprenant et touchant à la fois. Il montre combien l’arbre est aimé et protégé par ses habitants.

… au rêve

Ce platane, cette majesté de la nature, son côté grandiose impressionne tous ceux qui le rencontrent. Au point qu’un artiste étranger qui passait par là décide un jour d’en faire le portrait.

Dessin du platane de Tsagarada par Daniel Suter

Ce dessin est une réalisation du suisse Daniel Suter.
Pour donner une échelle au sujet, il y a placé deux personnages (un homme et un chien) qui permettent de saisir le gigantisme de l’arbre. Mais aussi la fragilité des hommes ou des animaux face à l’éternité de l’arbre. L’oeuvre est pleine de poésie et de sérénité, elle exprime ce que l’artiste a probablement ressenti devant ce platane et que nous ressentons tous : de l’admiration et du respect.

Il est réconfortant de savoir que nous pouvons encore être sensibles à cette nature si majestueuse. Et quand l’art la sublime, le partage devient fécond.

Nos ressentis

Nous avions pourtant été prévenu : « un platane impressionnant se trouve sur la place du village de Tsagarada« . Mais parfois on a beau savoir, l’imaginaire est en dessous de la réalité. Et c’était le cas ici. « Il faut le voir pour le croire » dit la formule. Pas faux…

Les premières secondes, c’est le temps de la surprise. Puis vient rapidement l’admiration. Et pour nous amoureux des arbres, avoir la chance de côtoyer un tel roi est un vrai cadeau, une joie profonde, un émerveillement puissant.
Des réflexions émergent ensuite : qu’a donc vécu ce vieillard tout au long de ces siècles ? Qu’a-t-il « vu » ? A-t-il été abimé par les intempéries, les humains, les guerres ? Quel lien a-t-il avec les habitants ? Que représente t-il pour eux ?
Beaucoup de questions sans réponse immédiate. Mais pouvoir se les poser est déjà une victoire. Elles montrent toute la place occupée par ce platane dans la vie du village et dans la vie des hommes en général. Ce sont des siècles d’histoire qui se dressent devant nous, une histoire qui poursuivra encore son chemin quand le nôtre sera déjà fini.

Les choses simples

La Grèce est réputée pour sa vie douce, au ralenti, privilégiant l’instant présent. On s’imagine installé sur une terrasse à boire de l’Ouzo ou à déguster du Tzatziki. Et peut-être même avec un peu de Sirtaki en fond sonore !
Le Pélion n’échappe pas à la règle et Tsagarada en est une preuve vivante. Nous ne pouvons que vous conseiller (surtout si vous aimez les arbres) d’aller faire un tour là-bas, de vous asseoir sous ce platane, de commander un Tsai tout Vounou (thé ancestral des montagnes du Pélion) et de savourer, comme chaque grec sait si bien le faire, la beauté de la vie.


(Cette visite du village de Tsagarada s’est faite en mai 2022)

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